Vanuatu épisode 3: l'île de Tanna, la famille, le volcan...

Nous voici à Tanna, l'île mythique au sud du Vanuatu où trône le volcan Yasur en éruption. L'île d'origine de Tom et de quasiment tout les membres de NAIO. Tom, s'est débrouillé pour qu'on loge dans sa famille. L'accueil par Jerry, son cousin, est très chaleureux. Il habite à quelques kilomètres dans les terres de Lenakel et est professeur et directeur de l'école de Lonelapen. 

Les discussions sont très intéressantes, on en apprend plus sur la culture du Vanuatu. Maintenant, on fait la différence entre un Nakamal et un bar à kava. Le Nakamal c'est le lieu de rencontre quotidienne des hommes de la tribu pour prendre les décisions politiques locales. Lorsque les sujets concernent directement les femmes, celles-ci sont appelées à se prononcer au Nakamal, mais pour l'essentiel c'est un endroit réservé aux hommes. Le Nakamal est un grand terrain plat avec un ou plusieurs immenses banians, qui font de l'ombre. On y prépare aussi le kava, et celui de Tanna est plus fort et meilleur que celui de Port Vila car les racines sont mastiquées avant d'être recrachées pour former une pâte qu'on diluera avec de l'eau (miam miam).

Jerry nous fait découvrir son jardin et la manière de planter l'igname (en faisant des collines). Les jardins sont magnifiques, les gens sont souriants et où qu'on aille, tout le monde se connait, on s'arrête, on discute. Ici, on n'est pas pressé, on prend le temps de vivre. C'est bizarre d'être à l'autre bout du monde et avec une culture si différente et de se sentir comme chez soi. L'ambiance est très familière, des fois j'ai l'impression que l'utopie lointaine de mon adolescence se trouve ici... On cultive son jardin, on mange local, on fait du feu pour manger, on discute avec ses voisins, on parle politique en buvant du kava... Il fait bon être à Tanna! Chaque matin les cendres volcaniques remplacent la rosé et les feuilles des arbres sont quelques peu grisâtres.

En attendant l'arrivée de Tom, qui est dans le bateau, nous décidons d'aller visiter Yakel, un Kastom Village (village  coutumier). C'est un lieu où les habitants ont décidés de continuer à vivre selon la tradition, avec les habits en feuilles et habitations traditionnelles. Nous décidons d'y aller à pied, le village étant bien enfoncé dans les terres, sans service de transport régulier. Les habitants sont surpris de nous voir arriver sans gros 4x4, et nous demande ce que nous voulons voir: danses, activités. Nous leur répondons qu'on est un peu gênés s'ils dansent juste pour nous, sans rien de spécial à fêter pour eux, qu'on préfère juste visiter le village,et la jolie cascade, vue dans le film "Tanna Movie" (très beau). On se rend donc accompagnés de Raymond, Towata, et d'une myriade d'enfants à travers le village et jusqu'à une baignade dans la cascade. Superbe!

Au moment de partir, Towata nous rattrape sur le chemin, habillé pour aller à la ville, et décide de nous montrer le chemin pour nous rendre à Black Sand Beach South. Il nous fait passer dans des petits sentiers, au milieu des villages, que nous n'aurions jamais trouvé tout seul. On croise des enfants qui me donnent une tomate (je ne compte plus le nombre de gens qui nous ont donnés des légumes ou des fruits, juste comme ça). Au bout de 2h de marche, nous arrivons à un magnifique point de vue sur l'immense plage de sable noir. Le retour jusqu'à Lenakel se fait en pouce, dans la benne d'un 4x4 (transport public par ici, la plupart des routes étant trop défoncées pour qu'un van passe).

Au bout de deux jours, Tom arrive par le bateau "One People"! Il vient passer du temps avec nous et voir son fils McLaud, qui est resté avec sa grand mère maternelle depuis 6 mois. Finalement, McLaud est trop heureux de retrouver son père et décide de rester avec lui. Je lui demande si c'est une tradition, mais apparemment non. Sa grand mère est venu leur rendre visite à Port Vila en Mai et a demandé à McLaud s'il voulait vivre avec elle à Tanna, et il a accepté. Maintenant il parle parfaitement le dialecte de Tanna et retrouve avec joie son père... mais où est maman? Il faudra attendre la fin de la semaine pour retourner à la maison.

Nous décidons d'aller voir le plus Grand Banian du Monde, pas très loin de Lenakel. Ce n'est pas seulement le plus grand banian, c'est le plus gros organisme vivant de la Terre. Il fait la superficie d'un stade de foot, ses branches/racines s'élancent de partout, retombent en immenses échelles, ça donne envie de grimper, mais c'est haut, et on n'est pas des très bons grimpeurs... Nous sommes un peu déçus car le prix d'accès est élevé (près de 18 euros par personne) et qu'il n'y a pas de guide.... Alors nous inventons nos propres légendes sur le banian géant:

"Une dame âgée, au long cheveux gris, se promenait dans la forêt, à la recherche de plantes médicinales. Elle rencontre un vieil homme, à la longue chevelure et barbe grise, qui fait rôtir du cochon sauvage sur un feu de bois. L'homme interpelle la vieille "Si tu veux manger, raconte-moi une bonne histoire!" La vieille dame est reconnue dans son village pour ses talents de conteuse, le vieux est impressionné, et lui offre de la viande. "A ton tour, dis la vieille dame, j'aime raconter mais j'adore écouter". Le vieil homme s'exécute. Les deux vieux parlent et parlent pendant des heures, des jours, des semaines, des mois, leurs cheveux finissent par toucher le sol, et, petit à petit, à s'y enfoncer. Leurs paroles deviennent chuchotis, puis bruissement. Si vous observer bien, vous les verrez encore, qui se font face, encadrés de leurs longs cheveux, et en tendant l'oreille, peut-être entendrez-vous une histoire." 

Après 3 jours à Lonelapen, on décide de partir sur la côte Est pour aller voir le volcan. Tom nous laisse dans le transport public avec Jimmy qui sera notre hôte et qui revenait du marché!

En route, on voit du changement dans les paysages: le gris de la poussière du volcan prend la place des jardins verdoyants et luxuriants. D'ailleurs au bout d'un moment une pluie de cendres s'abat sur nous, on est dans la direction du vent. C'est moins agréable qu'un crachin breton.

Et puis BOUM! Un grand fracas, ça y est on aperçoit le volcan... Ca nous calme quelques minutes.

A peine arrivés chez Jimmy, il nous présente sa femme Chantal et ses enfants. Chantal parle français et va nous servir de guide, sans que nous n'ayons rien demandé. Elle vient du même village que Monik, la mère de Tom, on n'est pas trop sûre si c'est sa soeur/cousine/nièce. On est un peu gênés, mais Chantal et Jimmy nous mettent à l'aise et on comprend vite que l'hospitalité et la générosité sont des valeurs importantes au Vanuatu. Nous sommes des amis de Tom, nous sommes donc accueilli comme il le serait. Au Vanuatu, les gens ne t'abordent pas en te lançant des "frère", "cousin" ou "tonton", ils sont plus timides ou pudiques. Mais pour peut que tu passes du temps avec eux, tu es rapidement considéré comme faisant partie de la famille. C'est très touchant, le nombre de fois où on m'a dit "Si un jour un membre de ta famille ou un ami veut aller au Vanuatu, il sera accueilli chez moi comme vous l'avez été".

Dans le jardin, la famille nous a construit un bel abri pour mettre notre tente, on s'installe là, à l'ombre d'un immense banian. Un grondement sourd et violent se fait entendre, on voit un épais nuage noir traverser le ciel. Les explosions continuent, une toute les dix minutes... Nous avions prévu d'aller voir le volcan le soir même, mais je commence à avoir un peu la trouille. Nous sommes à 4km du volcan, alors imaginez en bordure du cratère! Ca fait bien marrer nos hôtes, on se met donc en route avec Chantal, un peu rassurés.

Nous partons à pied direction le volcan et franchissons la plaine d'Isiwi. Le paysage est quelque peu chaotique: une plaine de cendre avec en fond le volcan qui tonne et souffle des grands nuages de fumée, tantôt noire, tantôt blanche... Dire qu'il y a à peine 15 ans, il y avait un lac ici, oui, oui ! Le lac d'Isiwi... 

Nous arrivons à l'entrée du volcan et découvrons une myriade de guides un peu façon arrivée d'avion et tapis rouge. "N'oubliez pas, votre sécurité est notre priorité" répètent-t-ils, ça enlève beaucoup au côté inquiétant du volcan. On n'a pas l'habitude, mais on se laisse bercer après s'être allégé de nos droits d'entrées. On nous donne un panneau avec le nom de notre pays. On a le droit a une danse de bienvenue, une danse du volcan, puis on demande au chef du Nakamal, si le volcan veut bien nous recevoir... Heureusement oui! Bon le chef avait une vingtaine d'année, on sent bien que l'histoire est un peu factice, mais c'est fait pour plaire aux touristes. 

Et le volcan dans tout ça? On embarque dans des 4x4 et franchissons les dernières centaines de mètres qui nous en sépare. Après avoir poster nos cartes à la boite postale qui se trouve au pied du volcan, on gravit les marches et découvrons Mr Yasur, en pleine forme! Spectacle garantit, et là ce n'est plus de la comédie, on est au bord du cratère qui projette de la fumée!

Mais aussi de la lave!!! Et des vapeurs d'acide (kof kof!). Ce soir là on a le droit à des éclairs à l'intérieur du volcan, et un magnifique feu d'artifice naturel, avec de la lave bien sur! On est comme hypnotisé par ce monstre bruyant, fumant et cracheur!

Mais déjà il faut redescendre, depuis 6 mois, les visites se font en mode compagnie aérienne. Avant les gens pouvaient monter avec leur propre guide et nous aurions pu y aller seulement avec Chantal, et même y passer la nuit si on voulait, et ç'aurait été 3 fois moins cher... Maintenant c'est fini, pour des raisons de sécurité, tout le monde redescend ensemble (beuh...). Qu'à cela ne tienne, c'était une expérience absolument extraordinaire.

Le lendemain, nous décidons d'aller visiter Port Résolution. Chantal nous accompagne. Il n'y a pas de transport régulier, la tactique étant de marcher jusqu'à croiser un véhicule qui nous emmène (ce qui peut parfois prendre du temps). Nous retraversons la superbe plaine d'Isiwi et marchons le long de superbes paysages.

Port Résolution est une toute petite bourgade, encore plus calme depuis le passage du cyclone Pam. Nous nous attendions à une petite ville comme Lenakel, c'est un petit village tranquille, le seul magasin est tenu par une vieille dame, qui a quelques cartons de produits d'appoints (biscuit, conserves,...). Nous nous posons à l'ombre et discutons avec l'une des anciennes amies de Chantal (" à l'époque, on buvait du Kava et sortait dans les clubs à Port Vila" nous confie-t-elle en rigolant). Malgré les vagues, nous tentons d'explorer le fond marin et découvrons une mégalopole de némos et d'étonnants coraux crèpes vert vif. On repart à pied. Au bout d'une heure, alors qu'on commence à désespérer et se dire qu'on va bien se taper les 3h de marche, un pick-up chargé à bloc nous embarque. Simon compte rapidement, 18 personnes à l'arrière dont dix enfant, plus trois personnes à l'avant, ça fait 21, dans un pick-up 2 places...

De retour au village, nous décidons de rester une journée de plus, ce serait dommage d'avoir visiter les trucs loin, et pas le village et ses alentours. D'autant qu'on est vraiment bien, il faut mentionner que Jimmy est ancien chef cuistot, et qu'il nous concocte de trop bons petits plats (c'est noël tout les jours!). Nous allons nous baigner à la plage de White Sands, à quelques pas du village, avec Natacha et la petite dernière de Jimmy et Chantal, Jessica.

On est vendredi, et vendredi, c'est John Frum. Le John Frum est un mouvement religieux dont le messie a été un certain John (surement John from America), qui aurait prédit qu'après le départ de tous les blancs, une période de grande richesse viendrait pour les habitants de Tanna. On n'a pas vraiment tout compris quant à la teneur de la prophétie, mais apparemment, la présence de blancs ne dérange pas. Lors des rassemblements du vendredi soir, tout les partisans du John Frum se réunissent, soit à Sulphur Bay, soit à Lamakara, et plusieurs groupes de musique se succèdent pour entonner des chants qui sont inspiré par le messie. Autour du faré où se produisent les groupes, les gens dansent doucement, les filles et femmes font tourbillonner leur robes d'herbes. Je me dis que les soeurs et cousines Lambert pourrait former un groupe de John Frum, car ici on a le droit de chanter fort, avec une voix suraigüe et pas forcément juste. On pourrait adapter les paroles bien sûr, et appeler ça plutôt une Lambertinade!

Au final, ce ne sera pas plus les chants qui nous auront plu, mais le trajet pour y aller. Chantal a bien calculé son coup. Nous traversons plusieurs magnifiques villages avant d'atteindre Imalé, le village d'origine de Jimmy. Là, Chantal nous annonce qu'il va falloir qu'on attende un peu, et nous emmène un peu plus loin. Et là, spectacle, le village d'Imalé s'ouvre sur une falaise. A gauche, une vue superbe sur Sulphur Bay, à droite, Yasur, bien en forme, dans toute sa splendeur. Nous sommes enchantés, pas de problèmes pour attendre là des heures! Doucement, la nuit tombe, et d'un coup, BOUM, on voit un feu d'artifice rouge s'échapper de Yasur, Ouooooaaah! Yasur est super en forme et nous enchaîne les feux d'artifices, comme vous ne pouvez pas du tout le voir sur les photos.

Dès le samedi matin on repart pour Lonelapen, pour une journée détente. Tom m'écrit les paroles en Bislama, de notre chanson préféré: "Kokonaaaas!", qui veut dire noix de coco bien sûr. Le soir on arrose notre départ au Kava! On peut pas vraiment parler de cuite, parce que le lendemain on n'a pas la gueule de bois (ça existe pas avec le kava), mais la soirée est bien relax, on se marre bien et on s'endort comme des bébés...

Nous repartons en bateau avec Tom et McLaud. 18h de bateau pour 300 km, la vitesse de croisière est de 16 km/h, la mer n'est pas agité, il fait 22°C et la pression atmosphérique et de 1080 hecto Pascal. Condition optimal, mais le bateau est tellement vieux que ça tangue de partout, moi ça me fait marrer, mais Lise apprécie moyennement le trajet...

On quitte le Vanuatu avec le coeur gros! Des histoires plein la tête, des rencontres extraordinaires. Rien n'aurait été pareil sans Tom! Merci beaucoup à toi! Et à toute ta famille! 

Tangkyu Tumas!